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antropologia
Professeur d’Histoire et
des arts africains à l’Université de Liège.
Les Maîtres de Buli Esthétique et Ethno-histoire (avec deux
inédits)
En
1937, le hasard d'une exposition1 mit en présence
deux sièges
à
cariatide «
royaux
»2
d'origine
Luba (Zaïre)
qui offraient entre eux de frappantes similitudes, tout en présentant
d'étroites
analogies avec la célèbre
porteuse de coupe agenouillée,
conservée
au Musée
de Tervuren3. Tout en entrant incontestablement dans l'orbe de
la grande statuaire des Baluba (plus précisément
du groupe des Bahemba-Bakunda), ces œuvres
s'écartaient
à
tel point des canons esthétiques
fondamentaux de ce peuple que l'organisateur de l'exposition, Fr. M.
Olbrechts, acquit la conviction qu'elles étaient
de la main d'un artiste unique dont le génie,
profondément
original, n'avait su se plier aux normes esthétiques
imposées
par
La
porteuse de coupe de Tervuren, longtemps surnommée
« Kabila
la mendiante »5,
avait par son originalité plastique
et le profond mystère
qu'elle semble receler intrigué
de nombreux esthètes,
des cubistes (C. Einstein) aux surréalistes
(Ph. Soupault). Mais l'on attribuait volontiers ce chef-d'œuvre
au hasard d'un miracle unique. Ainsi notait Soupault : « l'émotion
qu'elle suscite est provoquée
non par l'habileté
réelle
du sculpteur mais par l'ardeur involontaire qui s'y révèle
»6.
La découverte
de deux sièges,
dus à
la même
main, témoignait
au contraire d'une maîtrise
totale, volontaire, des matières
et des formes.
Pour
la première
fois, pour reprendre l'expression de Leiris, un artiste nègre,
reconnu comme tel, se trouvait placé
au «
rang
des plus grands sculpteurs de tous les temps »
(Denise Paulme7).
Dans
les années
qui suivirent, neuf autres sculptures, relevant du même
style, furent identifiées.
Plusieurs portaient comme mention d'origine : « Buli
sur le Lualaba ».
L'on prit donc, à la
suite d'Olbrechts qui la décrivit
en 1946 et 19518, l’habitude de désigner
la production
du Maître
anonyme sous l'appellation de « sous
style à
face allongée
de Buli ».
Sur les douze œuvres
répertoriées
alors, huit étaient
des sièges
dits «
royaux
»
: personne, apparemment, n'a relevé
à
l'époque
cette anomalie.
En
1960, la découverte
d'un appui-tête
(musamo)
dû
au Maître,
par J.W. Mestach, permit à
cet excellent connaisseur de l'art nègre
de donner une synthèse
des hypothèses
élaborées
sur ce «
sous
style »
et d'ouvrir de nouvelles pistes de
recherche9.
Depuis
cette date, une quinzaine de pièces
au moins sont venues enrichir la nomenclature des œuvres
connues du Maître.
Certaines
proviennent de fonds anciens. Mentionnons, outre deux sièges
à cariatide
agenouillée,
de teinte ocre-jaune, la porteuse de coupe assise recueillie par
Fr. Miot, lors de la quatrième
campagne anti-esclavagiste (1895)10, et le petit
ancêtre
de la collection Cambier, récolté
avant 190911. A cette catégorie
appartient également
la petite tête
(fig. 1) que nous présentons
ici pour la première
fois et qui fut découverte,
selon une tradition familiale, peu après
la première
guerre mondiale par un agent territorial de Kongolo. La base en est
détériorée,
mais l'on peut conjecturer que la tête
devait se prolonger par un socle cylindrique évidé.
La tête,
creusée,
recèle
toujours en effet une importante charge magique, fixée
avec de la résine,
qui a été
introduite par le fond. La radioscopie de l'objet12
révèle
parmi les éléments
identifiables qui entrent dans la composition de la charge magique, la
présence
d'une griffe, d'une canine de singe (très
probablement d'un jeune gorille) et enfin d'un fragment minéral,
sans doute de cristal de quartz. Ce dernier élément
autorise les hypothèses
les plus sérieuses
quant à la destination de l'objet. Le cristal de quartz (ngulu), dont la
translucidité
favoriserait
la voyance, est l'un des accessoires magiques les plus
ordinaires
des
devins bilumbu (sur lesquels l'on reviendra). L'on sait, par
ailleurs, que dans tout le nord-est du Buluba, le génie
de la devination est représenté
par une petite figurine nommée
Kabwelulu (« pierre
de l'esprit »)
ou encore Mwandjalulu, dont le corps n'est le plus souvent
constitué,
en effet, que d'un corps cylindrique parfois évasé,
ou tronconique13. Le rapprochement avec Kabwelulu
rendrait compte de la présence
de la dent de gorille (kihemba :
«
so
ya mwema »)
dans
la tête.
Ce primate, disparu de la région,
mais dont de nombreuses légendes
gardent la mémoire,
passait pour détenir
des dons de voyance éminents
: on lui attribuait un troisième
œil,
situé
derrière
la tête,
à
l'intérieur
du crâne.
La dent favoriserait ainsi le processus de la
devination.
Fig.
1. Tête
d'une statuette, sans doute Kabwelulu, Buli
inédit,
bois, charge magique, h. 8, Photo
de l’auteur.
D'autres
œuvres
ont été
retrouvées,
depuis une vingtaine d'années,
sur le terrain. Ainsi en est-il de la figurine d'un ancêtre,
peut-être
un Prince de Buli, que nous
avons découverte
en 1971 (cfr.
fig.
2) et de l'effigie du guerrier Kalala Luhumbo, étudiée
en 1977 par le P. Neyt15. Cette pièce
avait été repérée
à Sola,
près
de Kongolo, dès
1970.
Fig. 2a Figure d’un prince de Buli. Bois dépatiné.
Ceinture en peau d’antilope. Ht.
Plusieurs
œuvres
sont toujours conservées
sur place. Les témoignages,
formels, mentionnent entre autres, un couple d'ancêtre
(mikisi), un
masque-singe du type imbombo ya 'so que nous avons étudié
en 197316 et un couple porteur de coupe (mboko) remplie de
kaolin. De même,
le très
beau siège
(kihona)
à
cariatide debout que nous présentons
ici pour la première
fois (fig. 3), étudié
sur le terrain en 1985, nous avait été
décrit
dès
1969. Fig.
3. Siège
aulique de Buli, bois, coll.
privée.
Photo J.P. Parduyns.
L'impressionnante
figure sculptée
ici représenterait
Kamania, portant dans ses flancs les germes de sa descendance, soit le
peuple des Bakunda. Peuple apparenté aux actuels Babùyù qui formait le
fonds de la population de Buli. Le dernier propriétaire
de ce kihona le considérait
comme l'emblème
de l'ancienne allégeance
de sa famille au bulohwe (pouvoir lié
à
la détention
du sang impérial
sacré,
transmis par les femmes). Des souvenirs précis
rattachent sa création
à
l'époque
des conquêtes
opérées
par Buki dans le nord de Buli (cfr infra). La patine rituelle,
composée
d'enduits de farine, de lie, d'huile et de graisses animales, comporterait
également
des pâtes
de graines
de lubenga (sorte de roucou), en hommage à
l'ancêtre
impérial
Mbidyi Kiluwe17. Les bras en étaient
couverts de bracelets de perles et la poitrine et le haut du ventre des
ceintures lubuka et kifuka, réservées
aux femmes enceintes18. Le fait explique que ces endroits aient
pu subir, de l'intérieur,
les atteintes des insectes phytophages (termites), qui abhorrent la
lumière.
Stylistiquement,
cette œuvre
offre quelques traits singuliers en regard des créations
les mieux connues du Maître. Moins baroque, elle s'enferme dans un
hiératisme
accentué
qui renforce paradoxalement son surprenant dynamisme. Observant un
équilibre
beaucoup plus strict entre les proportions de la tête,
du corps et des membres, elle se refuse à
toute anecdote (notamment dans le traitement de la coiffe19,
des oreilles, des mains) ; et l'on serait tenté
de dire que, tout en relevant incontestablement de la tradition de Buli,
elle conserve plus étroitement
l'empreinte de l'esthétique
classique hemba-kunda, qu'inspire
le souci d’un d'idéalisme
épuré.
Les
enquêtes
menées
lors de la découverte
de ces œuvres
autorisent des réponses
nouvelles aux énigmes,
nombreuses, que pose l'art de Buli. L'une de celles-ci touche à
l'unité
même
de l'œuvre
ou encore à
la pluralité
possible
de sculpteurs.
Déjà,
dans l'ensemble isolé
par Olbrechts, certains historiens avaient cru pouvoir distinguer au moins
deux groupes d'oeuvres : le premier, dont
Nous
nous sommes opposé autrefois
à
la thèse
de Fagg. L'idée
d'un «
atelier
»
de sculpture répugne
aux données
de l'ethnographie luba. Colle, sur ce point, est formel22, et
nos informateurs confirment son témoignage
: l'art de la sculpture passait, chez les Baluba, pour une sorte de
monopole qui ne se transmettait guère
qu'au sein d'une même
famille. Nous pensions pouvoir fonder notre argumentation sur la
présence,
d'un groupe à
l'autre, de traits similaires que nous croyions inconscients (donc
inimitables) et que nous attribuions à
un lapsus cultri23. Selon nous, les différences,
évidentes,
observées
entre les œuvres
« du
» Maître,
devaient s'expliquer par une évolution
toute personnelle qui avait fini par se figer, il est vrai, dans la
production de stéréotypes
sans grande inspiration.
Un
examen plus attentif des canons proportionnels auxquels obéissent
les œuvres
de Buli, plusieurs retours sur le terrain (1977, 1983-1990), des
témoignages
inexploités,
nous contraignent aujourd'hui à adopter une hypothèse
élargie
: nous croyons toujours à
l'évolution
de l'art de Buli, mais nous pensons que celle-ci s'est produite sur
plusieurs générations,
vraisemblablement au sein d'une même
famille. Notre démonstration
s'appuiera essentiellement sur les données chronologiques
que nous livre le recoupement de l'ensemble des sources
disponibles. Chronologie
des œuvres
de Buli
Une
rumeur qui circulait autrefois dans certains milieux coloniaux, voulait
que quelques-uns, au moins, des sièges
de Buli avaient été
sculptés
pour des Européens.
Il n'y aurait guère
lieu de prêter
attention à
ces bruits si deux témoignages,
produits ici pour la première
fois, ne venaient leur donner une certaine autorité.
Le
premier émane
des entretiens que nous avons eus avec Mme Vve Guébels,
à
propos d'une miniature en ivoire de « Kabila
la mendiante »
(
Le
second témoignage
est plus troublant encore, car il émane
d'Hubert Bure25, à
qui l'on doit la découverte
de la sculpture la plus célèbre
de Buli, Kabila la mendiante, dont il vient d'être
question —
qu'il recueillit des mains du chef Kanunu, l'un des vassaux du Prince de
Buli. Rappelons ici que le Liégeois
H. Bure avait été
chargé
par le Comité
Spécial
du Katanga de réaliser
une route carrossable entre Tshofa et Buli, ce qui l'occupa de 1905
à
Fig.
4. Catalogue des collections de Charles Firket,
extrait
des pages 29v°
et 30r°, Bibliothèque
de
l'Université
de Liège,
mss. 2823b.
La
précision
est d'autant plus surprenante qu'elle est la seule du genre qui apparaisse
dans les quelque 300 notices du catalogue. Pourtant la collection Firket
recèle
d'autres pièces
« faites
pour les Blancs »,
sur des modèles
traditionnels, il est vrai27. C'est donc que le « petit
tabouret »
offrait un aspect tellement inhabituel que Ch. Firket crut utile d'ajouter
le renseignement qu'il tenait évidemment
de Bure.
Le
« petit
tabouret »
ne se trouve plus dans les collections de l'Université
de Liège
(ni, hélas,
cette «
amulette
sculptée
dans une dent de phacochère
» également
recueillie par Bure à
Buli), et même
si l'on sait que le Maître
a laissé
des
sièges
à
cariatides adossées,
rien ne permet d'affirmer que cet objet était
de sa création,
car il n'est pas douteux que d'autres artistes œuvrèrent
dans la même
chefferie. Mais répétons-le,
ce témoignage,
conjugué
à
celui de Mme Guébels,
interdit de traiter par le dédain
seul la rumeur évoquée
plus haut.
Il
faut avouer que si celle-ci pouvait être
définitivement
confirmée
–soit que le maître ou l’un de ses successeurs ait travaillé pour des
amateurs européens- plusieurs des questions que pose l'art de Buli
trouveraient leur solution logique. Ainsi expliquerait-on
le nombre, anormalement élevé,
de «
sièges
de chef »
dans la production du Maître ;
et l'on comprendrait pourquoi certains d'entre eux ne portent ni signe
convaincant d'utilisation ni trace de ces enduits rituels qu'exigeait la
tradition du culte réservé
aux sièges
sacrés.
Quoiqu'il
en soit, il est établi
que :
- Buli, en 1907, soit quinze ans
après
avoir été
en contact pour la première
fois avec des Européens
(expédition
Delcommune : 1892 (cfr infra)), était
déjà un
centre où
des objets d'art étaient
confectionnés
« pour
les Blancs ».
L'on ne peut s'empêcher
de songer ici à
une note un peu acide du Dr Briart, compagnon de Delcommune, qui, abordant
Buli, relève
: «
Habitants
très
curieux, avides et commerçants
»28.
- La disparition du Maître
est relativement récente
: peu avant 1913 (date de l'arrivée
de Guébels
au Congo), et plus vraisemblablement 1916 (voyage à
Kabalo).
Néanmoins,
l'on ne saurait soutenir que l'art de Buli ait été
inspiré
par les Blancs, ni même
marqué
de manière
significative par leur présence.
Un faisceau convergent d'arguments prouve au contraire que cet art a
été
élaboré dans
un contexte purement traditionnel pour y assumer les fonctions que la
culture bantoue tout entière
assigne à
la statuaire magique.
Il
suffira ici d'énumérer
les principaux de ces arguments :
- Un certain nombre d'objets ont
été récoltés
par le plus grand des hasards. C'est le cas de la Porteuse de coupe, reçue
par Miot (1895) en signe de reconnaissance, d'un chef qu'il avait
sauvé
de la servitude, et du petit couple d'ancêtres
découvert
par l'explorateur Foà
(1897) lors de son incursion mouvementée
dans la région
(cfr infra).
Ces objets, visiblement, étaient
destinés
à
des fins cultuelles.
- La même
observation vaut, évidemment,
pour les sculptures retrouvées
sur le terrain depuis 1969. A fortiori pour celles qui sont encore
in situ. L'enquête
révèle
du reste, que la statuaire de Buli inspire toujours sur place une
réelle
fascination. Il ne faut même pas exclure l’idée que, durant longtemps
encore, des œuvres, inspirées par le s style de Buli, aient été sculptées
à des fins purement cultuelles. Le pouvoir sacré
de l'art semble relever ici autant de sa magie objective que de ses
qualités
plastiques. C'est dire la séduction
qu'il dut exercer, dès
l'origine, sur le milieu où
il a été
conçu.
- Si certaines sculptures n'ont
guère
été utilisées,
d'autres offrent, au contraire, des traces convaincantes
d'ancienneté.
Ainsi en est-il de
- Les témoignages
explicites, allégués
jusqu'ici, tendent à
situer la production de Buli dans un passé
relativement récent.
Mais d'autres, tout aussi convaincants, inspirent des conclusions
entièrement
opposées.
Ainsi, lorsque nous avons enquêté
sur le petit ancêtre
que nous avons publié
en 1975, la généalogie
des propriétaires
successifs de cet objet fournie par nos informateurs nous incitait
à
conclure que celui-ci ne pouvait, en aucun cas, avoir moins d'un
siècle.
Etudiant l'effigie de Kalala Luhumbo de Sola, le R.P. Neyt obtenait des
renseignements du même
ordre : l'œuvre
avait eu douze gardiens qui s'étaient
succédés
sur quatre générations,
soit —
selon le P. Neyt —
un siècle
et demi29.
- Le siège
à
cariatide debout, décrit
dans cet article, daterait de la même
époque
et serait même
plus ancien, puisque la tradition en fait remonter l'histoire aux guerres
de Buki. C'est peu après
1800 qu' llunga Buki, fils de Kumwimba Ngombe, Xe empereur des
Baluba, entreprit de se tailler un empire personnel dans les territoires
du nord, occupés
par des clans Yambula, Kusu et Zula. Certains membres de la famille de
Buli, dont l'apanage se trouvait menacé par
ces campagnes, mirent leurs armes au service du prince impérial,
qui en retour, leur conféra
le bulohwe (pouvoir sacré)
sur quelques-uns des postes conquis (sud de Kongolo) et les insignes
attachés
à
cette dignité,
dont le siège
sacré
kihona.
- Enfin, la présence
de la dent de gorille parmi les charmes magiques de la tête
Kabwelulu décrite
plus haut, pourrait offrir un élément
de datation objectif, quoique malheureusement imprécis.
La disparition du gorille du nord du Buluba, provoquée
sans doute par le lent recul de la forêt,
dut s'étendre
sur plusieurs siècles.
Toutefois l'extinction définitive
de l'espèce,
dans la région,
serait relativement récente,
si l'on en croit les légendes
qui établissent
un lien direct entre celle-ci et l'apparition des Arabes dans ces
contrées
: le singe aurait fui, dit le mythe, pour échapper
à
la servitude30. Si les Arabes commencent à
fréquenter
la rive ouest du lac Tanganyika vers 1840, ce n'est que dix ou quinze ans
plus tard que leur présence
se fit réellement
sentir aux confins du Buluba. Ces dates constitueraientnt le terminus
ad quem logique de la tête
de notre Kabwelulu. (L’on
ne peut, cependant, exclure que les dents de gorille aient pu faire
l’objet de transactions commerciales. Le gorille ‘engùti est toujours présents dans
les monts Itumbwe du Sud-Kivu
).
L'ensemble
de ces témoignages,
ou indices, tend à
démontrer
que la production de Buli s'est étendue
sur un siècle
et davantage. Il faut donc conclure, comme nous l'avons suggéré,
que celle-ci est le fait de plusieurs sculpteurs qui se sont
succédés
de c.1810 à
c.1915 sur deux ou trois générations,
vraisemblablement au sein d'une même
famille. Cette thèse
est la seule qui puisse rendre compte de l'unité
évidente
de la tradition plastique de
Buli et de l'existence au sein de celle-ci de plusieurs « sous-styles
» illustrés
par des groupes de sculptures différents
qui semblent bien constituer les jalons d'une évolution
interne.
Il
serait tentant, dès
lors, de chercher sans plus attendre les critères
autorisant la définition
de chacun de ces sous-styles et d'en restituer ainsi la généalogie.
Mais une telle tentative suppose l'étude
préalable,
que l'on devine longue et complexe, de toutes les œuvres
relevant de la tradition plastique de Buli. De surcroît,
elle ne serait réellement
convaincante que si elle se trouvait fondée
sur un principe taxonomique plus global, inspiré
par une compréhension
en profondeur de l'œuvre,
qui en éclairerait
la genèse
et l'évolution.
C'est
à
la recherche de ce principe que seront consacrées
les pages qui suivent. Histoire
politique de la principauté
de Buli
Les
questions, complexes en soi, liées
à l'étiologie
de tout style, se livrent dans le cas de Buli comme une véritable
énigme.
Cet art semble en effet dicté par
la volonté
consciente de renouveler la tradition plastique (celle des Baluba-kunda)
dont il tire visiblement son inspiration originelle —
voire de s'en écarter.
Or, s'il est vrai que l'artiste noir disposait d'une certaine
liberté,
il se devait de respecter les paradigmes imposés
par
La
genèse
du style de Buli appartient donc à
l'histoire d'une collectivité.
Cette conclusion s'imposera avec plus d'évidence
encore si l'on se souvient que chez les Baluba, les sculpteurs
professionnels (basonga,
batombe), et spécialement
ceux qui travaillaient pour
C'est
pour avoir trop peu prêté
attention à
ces faits, pour avoir ignoré
également
que Buli n'était
pas un simple village mais un véritable
Etat, que les —
rares —
historiens qui se sont interrogés
sur les circonstances de la naissance de l'art de Buli n'ont pu
émettre
sur ce point que des considérations
bien frêles31. Fig.
5. Position géographique
de Carte
de L'Urua au
2.000.000e.,
dans
Mouvement géographique,
21
mars
1897.
L'acte
d'allégeance
qu'impliquait l'investiture du bulohwe commandait sans aucun doute
l'abandon, pour le roi de Buli, de sa souveraineté.
Mais les liens qui unissaient l'empereur aux chefs investis étaient
moins de vassalité
que d'amitié,
et les milamba (dons, présents)
que versaient ces derniers étaient
reçus
plutôt
comme marques de fidélité
que comme véritable
tribut. En revanche, l'investiture garantissait aux seigneurs de
Buli une indépendance
réelle
dans leur politique extérieure
et un surcroît
de prestige auprès
de leurs sujets. Grâce
aux alliances passées
entre le conquérant
Buki (cfr supra)
et certains membres de sa famille, Mbuli étendit
encore son emprise sur le nord. Dès
cette époque,
la chefferie vécut
autant dans la mouvance du « royaume
»
de Buki que dans celle de l'empire luba proprement dit.
Peu
de temps après,
la chefferie de Kanunu entra, grâce
au jeu des successions matrilinéaires,
dans l'apanage de Mbuli.
La
chefferie connut alors, pendant près
de trois quarts de siècle,
une exceptionnelle prospérité.
La richesse des terres, de nature alluvionnaire, favorise l'expansion de
l'agriculture. Le gibier (buffles et éléphants)
est abondant. Mbuli enverra bientôt
vendre son ivoire sur la côte
ouest du Tanganyika, à
six jours de marche de ses frontières.
Le développement
économique
se double d'une croissance démographique
considérable.
Outre les facteurs internes, la richesse du Buli constitue un
pôle
d'attraction : des villages entiers viennent s'installer dans le
territoire. De nombreux chefs y cherchent refuge : certains d'entre eux
sont parmi les victimes de Buki. Plus tard, avec les Arabes et le
démantèlement
de nombreuses chefferies du nord, le mouvement s'accélèrera.
Car Buli est une véritable
forteresse : protégée
par les deux fleuves, les contreforts forestiers du nord-est, et surtout
au nord, le verrou des « portes
de l'enfer »
(cataractes
infranchissables sur le Lualaba, en aval de Kongolo), la seigneurerie
restera constamment à l'abri
de toute incursion, même
lorsque les Arabes auront investi la région
du Lomani d'où
ils menaceront le Buluba tout entier. Seul, peu après
La
politique des princes de Buli envers les étrangers
qui leur demandent asile est très
ouverte : leur pouvoir est lié,
notamment, au nombre de sujets qui leur paient tribut et les populations
nouvelles viennent grossir les réserves
de l'armée.
Ces
circonstances expliquent sans doute (outre la « demande
»
ultérieure
des Européens)
le nombre exceptionnellement élevé
de sièges
auliques qui furent découverts
plus tard à
Buli. Certains de ces sièges
étaient
sans doute réservés
aux lieutenants du prince, pour la plupart membres de sa famille,
installés
aux postes-clefs des frontières
de l'Etat : Bola et Kasyala
à
l'est, Ngolo au nord, Ngoya à
l'ouest, etc. D'autres durent être
sculptés
pour ces chefs étrangers,
venus se placer sous la protection de Mbuli. Le don du kihona (qui
demeurait, en dernier ressort, propriété
du prince) matérialisait
un contrat d'assistance et de fidélité
réciproques.
Les
Arabes tenus à
l'écart,
une autre menace allait bientôt
peser sur l'indépendance
de Buli. L'empire Yeke de M'siri ne cessait de s'accroître,
gagnant progressivement le nord du Buluba. Vers 1885, Simbi (ou Simba),
l'un des fils de M'siri, est solidement implanté
avec ses guerriers à
Ankoro32. Il réside
régulièrement
à
Kabalo, l'un des villages de Buli. L'on peut penser que Kilela, VIIIe
prince de Buli, suivant la stratégie
de ses ancêtres,
avait passé
avec le chef yeke un traité
d'alliance qui garantissait son indépendance.
Le
7 novembre
Les
rapports entre Mbuli Kilela et Delcommune furent fort tendus : Mbuli
refuse de se montrer, produit un sosie déguisé
en Arabe, etc. Ce n'est qu'après
avoir menacé
le prince de mettre le feu à
ses villages que Delcommune put hisser sur ceux-ci le drapeau bleu
à
étoile
d'or de l'Etat Indépendant.
Mbuli avait évidemment
compris qu'il ne s'agissait plus, cette fois, d'alliance mais
d'aliénation.
Dix-huit
mois plus tard, l'expédition
de S.-L. Hinde, accompagnée
de l'Américain
Mohun, chargée
par Dhanis de remonter le Lualaba et En
juillet 1897, le Français
Ed. Foà,
cherchant à
forcer un nouveau passage entre le Tanganyika et le Lualaba, s'avancera
profondément
dans le Buluba sur
En
1900, le Comité
Spécial
du Katanga charge le Lt Paternoster de créer
une station à
Ngoma, au confluent du Lualaba et de
Fig. 6. Deux des emplacements de Buli, poste d'Etat
(1912).
L'exposé
qui précède
révèle
assez la singularité
du destin de la seigneurie de Buli. A une époque
où
l'empire luba, déchiré
par des guerres intestines, entre dans un irréversible
déclin,
accéléré encore
par les conquêtes
de M'siri au sud et la main-mise arabe sur le nord et bientôt
le cœur
de l'empire, ce petit royaume connaît
une période
ininterrompue de prospérité
économique
et démographique.
Celle-ci est due à
la position géographique
privilégiée
du pays, qui en fait une forteresse naturelle, et à
la richesse de ses sols, mais aussi à
la politique extérieure
de ses chefs, qui surent constamment préserver
leur indépendance
grâce
à
un jeu d'alliances qui ne pouvaient que décourager
les visées
expansionnistes des chefs voisins. L'inféodation
des seigneurs de Buli à
l'empire luba n'était
que nominale : l'investiture au bulohwe renforçait
en réalité
leur indépendance
et leur autorité.
En entrant dans la famille impériale,
ils conquéraient
définitivement
les titres légitimant
leur pouvoir sur les terres dont ils s'étaient
emparés.
Cette volonté
d'indépendance,
ce souci de légitimité
réclamés
cette fois non des empereurs vivants mais des Ancêtres,
inspirent également
l'histoire religieuse de la chefferie. Histoire religieuse de Buli
Durant
toute la période
coloniale, missionnaires et agents de l'Etat n'ont cessé
de signaler le nombre, l'importance et la force de résistance
des «
sectes
de sorciers »
dans le nord du Buluba, et spécialement
dans la région
de Kabalo-Kongolo —
le cœur
de l'ancienne chefferie de Buli. Or, les traditions actuelles,
confirmées
sur de nombreux points par les témoignages
anciens (celui du P. Colle, en particulier), imputent la création
des plus importantes de ces sociétés
initiatiques aux princes de Buli eux-mêmes.
Mbuli
Ier « le
vieux »
doit toujours sa renommée
autant à
ses fonctions sacrées
qu'à
ses titres de conquérant
et de chef politique. On lui attribue ainsi la création
de la société
des Bambuli, danseurs thérapeuthes
et nécromanciens
qui, avant d'être
récupérés
par le folklore colonial, exerçaient
des fonctions de contrôle
sur les «
revenants
»,
tout en s'affirmant comme les dépositaires
de la pureté
des mœurs
ancestrales. Cette tradition n'est sans doute fondée
que sur une homonymie, car l'on possède
de nombreuses autres versions de l'origine de cette société
—
toujours très
active44. Signalons toutefois qu'un rapport inédit
daté
de 1915, mentionne qu'à Kabongo,
les Bambuli honoraient Mbuli comme l'un de leurs principaux
génies45.
C'est
également
à
Mbuli Ier qu'il faudrait imputer l'institution de la
société
des Bilumbu. Colle confirme explicitement la tradition
locale46. Les bilumbu, rappelons-le, exercent chez les
Baluba d'importantes fonctions de devins et de guérisseurs.
Initiés
aux mystères
d'un esprit particulier (notamment Kabwelulu), ils
reçoivent
de celui-ci le pouvoir d’identifier les auteurs de sortilèges
et de maléfices
et d'indiquer les thérapies
appropriées,
au besoin les
voies
de la vengeance.
Les
bilumbu, ou leurs homologues, sont connus dans tout le Buluba,
voire le Zaïre
et au-delà.
Le plus souvent du reste, ils opèrent
seuls. La tradition a donc un caractère
nettement légendaire.
Mais elle recouvre peut-être
un fait réel,
soit qu'un des princes de Buli ait effectivement entrepris de structurer
les bilumbu en association fermée
afin d'en contrôler
les activités
et s'affirmer ainsi comme le maître
des Devins officiels.
C'est
toujours à
l'un des chefs de Buli, probablement Mbuli IV Songa, que l'on devrait la
création
de deux autres sociétés
initiatiques luba : la buyangwe et le kabwala, auxquelles Colle consacre de
longues pages. Les dignitaires du kabwala passent pour de
redoutables sorciers tandis que les simples adeptes semblent ne rechercher
dans l'initiation qu'un surcroît de
chance, une protection accrue contre les morts et les esprits. Les
bayangwe sont eux, de véritables
chamans. Ils détiennent
entre autres, le pouvoir de se rendre invisibles, de se dédoubler,
de voler dans les airs, de se métamorphoser
en lion, léopard,
etc. Ils doivent ces facultés
aux morts avec lesquels ils sont en contact permanent.
Selon
Colle, une autre société
détenant
de redoutables secrets, celle du bulungu, aurait
traditionnellement pour chef le prince de Buli47.
L'une
des séquences
les plus intéressantes
recueillies par le même
auteur, de la bouche des descendants de Mbuli Ier, situe la
source des sociétés
du bulumbu, du buyangwe
et du kabwala,
dans l'empire des Morts. En effet, un certain Kazula (« le
novateur »),
chassant le phacochère
dans les monts Suya (au-delà
de la frontière
sud-ouest de Buli), après
avoir vu le sol se dérober
sous ses pieds, s'était
retrouvé
dans une vaste caverne où
il avait assisté,
fasciné,
aux danses étranges
des Morts. Rassuré,
après
avoir reconnu parmi ceux-ci ses propres ancêtres,
il avait demandé
à
être
initié
aux mystères
de ces chorégraphies
et à
d'autres secrets. Revenu sur terre, Kazula s'empressa de mettre dans la
confidence de ces événements
le chef Mbuli, qui n'eut de cesse d'être
initié
à
son tour aux mêmes
arcanes —
ce qui lui fut bientôt
donné
lors
d'un séjour
dans le royaume obscur. Mbuli reçut
même
du «
roi
des Morts »
le droit d'initier à
son tour ses propres sujets aux rites du bulumbu, du buyangwe et
du kabwala.
Ce
mythe, diffusé
à
la cour de Buli, tend à
faire des souverains du lieu les seuls dépositaires
légitimes
des traditions sacrées
de la région
—
voire du nord tout entier du Buluba, car l'on sait que les
sociétés
dirigées
par eux recrutaient leurs adeptes bien au-delà
des frontières
strictes de Buli. Les chefs de Buli, légataires
des pouvoirs des Morts (ultimes propriétaires
du sol, référence
sacrée
des institutions culturelles), s'affirmaient ainsi comme les détenteurs
souverains de l'identité
culturelle luba elle-même.
La légende
dut être
diffusée
avec d'autant plus d'insistance qu'elle cautionnait l'autorité
de chefs dont il importe de rappeler qu'ils étaient
d'origine étrangère
(kunda/buyu). Le mythe aurait ainsi la même
fonction légitimante
que l'acte d'allégeance
rendu par Mbuli Songa à
l'empereur luba, qui l’élevait à
la dignité
de mulohwe. Voilà qui
fournit sans doute l'explication des
phénomènes
religieux qui se sont
développés
à
Buli, et notamment du nombre exceptionnellement élevé
de sociétés
initiatiques qui y trouvèrent
leur origine (même
en faisant la part de la légende)
: cinq des neufs sociétés repérées
au début
du siècle
dans le nord du Buluba.
Un
tel foisonnement pourrait certes s'expliquer par l'origine très
diverse des populations qui, durant le XIXe siècle,
cherchèrent
refuge dans la chefferie, en y apportant leurs institutions, leurs
croyances et sans doute leurs confréries
propres. Le souci de contrôler
celles-ci dut inciter les suzerains de Buli à
vouloir s'imposer chaque fois à
leur tête.
Toutefois, dans la plupart des cas, rapporte la tradition, la famille
dynastique de Buli ne s'est pas bornée
à
affirmer son autorité
sur des sociétés
existantes : elle en a promu de nouvelles, comme si elle n'avait eu de
cesse de multiplier les sources de son pouvoir, les cautions de sa
légitimité.
A.
Sohier, dans son Traité
du droit coutumier congolais, estime
que lorsqu'un chef investi entend accroître
son pouvoir en le cumulant à
l'autorité
que
confèrent
les dignités
et le prestige religieux et/ou sorcellaire, c'est qu'il cherche
à
échapper
à
une menace émanant
soit de l'étranger
soit de ses propres sujets. Cette analyse semble pouvoir être
appliquée
à
Buli, menacé
au
sud par les vassaux de Tumbwe, et bientôt
par Buki au nord ; lieu de refuge par ailleurs pour des populations qui,
par le seul fait d'être
étrangères,
pouvaient constituer une menace pour le pouvoir en place. Les titres,
héréditaires,
de «
maître
»
du bulungu, du buyangwe
et d'autres sociétés
qui détenaient
les moyens d'exercer une véritable
terreur, devaient constituer un motif de crainte suffisant, à
lui seul, pour écarter
les menaces de sédition
et même
les tentations d'annexion.
La
volonté
d'indépendance
qui inspire la politique de Buli et qui trouve son corollaire dans le
développement
d'une idéologie
nationaliste, fondée
notamment sur l'exploitation du culte des morts, dut se voir
renforcée
par l'orgueil que durent éprouver
les seigneurs de Buli devant le contraste qu'offrait la prospérité économique
et démographique
de leur Etat et le déclin
des chefferies voisines, voire de l'empire luba tout entier.
Quoi
qu'il en soit, il semble clair que l'idéologie
nationaliste de Idéologie
aulique et esthétique
de Buli
De
forts indices laissent penser, on l'a vu, que les sculpteurs de Buli ont
travaillé
à
Enfin,
même
la petite tête
du Kabwelulu pourrait renvoyer aux fonctions sacrées
des princes de Buli, chefs héréditaires
des devins bilumbu.
Tous
ces faits confirment, s'il en était
besoin, que les Maîtres
de Buli appartenaient à
la classe de ces sculpteurs magiciens bwana batombe, dont le
métier
seul réclamait
une initiation aux mystères
de la vie religieuse et politique de l'Etat et qui, de ce fait, faisaient
partie de droit du conseil privé
du Prince. L'on peut légitimement
penser que leur art, et l'esthétique
qui l'inspire, ne pouvaient demeurer étrangers
à
l'idéologie
dominante de
Les
tendances expressionnistes accentuées
par le dynamisme « baroque
»
qui caractérise
le sous-style de Buli, témoignent
de la volonté
de rapprocher les motifs plastiques traditionnels (ancêtres,
esprits) de l'apparence sensible du modèle
vivant, soit le corps humain correspondant à l'idéal
esthétique
imposé
par la culture kunda et luba.
Cet
idéal,
dont les critères
demeurent partiellement inconscients, nous le connaissons par les traits
que dégage
l'observation des pièces
classiques kunda (certains sous-groupes buyu, zoba, sanze, bware, etc.) et
luba du nord, et par les données
de terrain. Front dégagé
et bombé,
yeux écartés,
légèrement
exorbités,
nez effilé,
bouche proéminente,
sont des constantes régulièrement
citées.
Pour le corps de la femme, les seins tombants, tronconiques, la taille
cambrée,
la proéminence
du ventre, les cuisses puissantes, sans compter des traits culturels tels
les tatouages, l'épilation
du pubis, l'élongation
des labiae, etc. En fait, le corps est un véritable
champ de signes dont nul n'est indifférent
: le front et les yeux marquent la force de l'intelligence et du verbe, la
bouche est apotropaïque.
L'esthétique
du corps féminin
relève
d'une idéologie
de la fécondité.
Or,
le paradigme du corps qui s'impose naturellement est celui de
l'Ancêtre
et de ses descendants naturels : La famille régnante.
L'on peut donc énoncer
comme une règle
générale
que, dans
tous
les Etats centralisés
de l'Afrique noire, l'idéal
esthétique
collectif tendait à se
constituer par référence
à
l'aspect extérieur,
aux traits somatiques et physionomiques de la famille dynastique. Parmi de
multiples exemples, signalons l'ancien royaume kongo de San
Salvador52, les Bakuba où
les membres des familles dynastiques bushong’ 53 incarnaient
l'idéal
de la beauté,
tout comme les rois éthiopiens
ou encore, au Rwanda, la famille régnante
des Banyiginya (où
la beauté
est
la
figure royale). Il n'est pas douteux que le réalisme
des arts kongo, kuba (l'on pourrait évoquer
aussi également
Ifé
et le Bénin)
s'explique par la volonté,
politique et magique, de préserver
par-delà
la mort, l'apparence physique, sacrée,
des princes.
Il
en allait de même
chez les Baluba, dont les balohwe réclamaient
leur ascendance de Dieu. L'on relèvera
ici que certains de nos informateurs ont reconnu plusieurs sculptures de
Buli comme les représentations
mêmes
des princes du lieu —
singulièrement
Mbuli Mukulu. A cet égard,
la ressemblance sensible qu'offrent certaines figures de Buli et les
traits de l'un de nos informateurs, le citoyen Kimbalanga, descendant
d'une famille apparentée
à celle
des anciens chefs de Buli, ne laisse pas de troubler (voir fig.
7).
des
anciens
chefs de Buli, tenant en main une statuette
qui
représente
vraisemblablement l'un de ses
ancêtres.
Archives
de l'auteur.
Il
est hors de doute, par ailleurs, que les motifs plastiques majeurs de
l'art traditionnel ne pouvaient que favoriser le processus d'une certaine
identification entre l'apparence du Prince et la figure paradigmatique de
l'Ancêtre.
Telle est l'une des fonctions, dérivée
mais importante, des effigies servant de cariatides aux sièges
auliques bihona.
Les
fonctions de ces sièges
se conjuguent sur un axe double : chronologique, où
ils matérialisent
les liens qui unissent les ancêtres
au prince ; synchroniques, où
ils contribuent à
renforcer le réseau
des rapports unissant ce dernier à
ses vassaux et à ses
sujets.
Dans
sa dimension verticale ou diachronique, le trône
est perçu
comme une parcelle de l'univers chtonien, celui des esprits et des morts.
Il affirme la réalité
de l'ascendance sacrée
du prince, les liens qui l'unissent aux ancêtres
fondateurs du clan — détenteurs
ultimes de la terre : ceci explique, notamment, pourquoi il était
enduit des graisses des animaux « tabous
»
de la chefferie (à
Buli, léopard
et crocodile). Grâce
au kihona, le pouvoir politique et judiciaire réinvestit
l'ordre du sacré.
La
cariatide qui soutient le plateau des bihona figure Kamania,
l'ancêtre
mythique des Bakunda —
souche de la population de Buli54.
Représentée
en état
de gestation, elle assure la protection du chef de la même
manière
qu'une mère
protège
l'enfant qu'elle porte en elle. Le plateau lui-même,
chargé
d'ingrédients
magiques, est d'ailleurs assimilé
à
un ventre (difu), et le tenon
cylindrique qui le relie à
la tête
de la cariatide, au cordon ombilical msuku55.
Inversement, une femme appelée
à
assurer la descendance de la lignée
princière
portera le surnom de « siège
»
kihona. L'identification du siège
à
la mère
originelle était
telle que l'on pouvait lire sur son « ventre
»
le destin du prince : le devin y versait de l'huile et du kaolin et les
figures que prenaient ces ingrédients
fondaient la sémiologie
des aruspices56.
Dans
la texture synchronique de ses fonctions, les rapports du prince
à
ses sujets, le siège
est perçu
tout d'abord pour le « double
»
de la personne dynastique. Il reçoit
donc une épouse,
préposée
à
sa garde et à
ses soins. Le fait de toucher le siège
passe pour un crime d'insubordination qui est sévèrement
puni. Au contraire, les serments scellés
la main sur celui-ci revêtent
une exceptionnelle gravité.
Les sièges
des vassaux du prince sont donnés
pour les copies du kihona de ce dernier. Ils assurent sa
présence
dans tout le royaume, spécialement
aux endroits stratégiques,
tels les villages implantés
aux frontières.
Lorsque ces vassaux siègent
officiellement, ils sont censés
n'exercer le pouvoir qu'au nom du prince. Ainsi le trône
contribue-t-il puissamment à
assurer le maintien du pouvoir entre les mains de la seule famille
régnante,
détentrice
du bulohwe.
Le
kihona, en
combinant la double constellation de symboles et de fonctions qui unissent
les morts aux vivants, associe également
dans la même
figure le prince et l'ancêtre
mythique, et commande l'identité
de leur apparence sensible.
Le
destin de l'art aulique de Buli fut donc, selon toute vraisemblance, de se
soumettre à
l'idéal
d'un réalisme
de plus en plus exigeant, tendant à
renforcer cette identification. L'hypothèse
pourrait livrer ce critère
taxonomique global qui devrait seul inspirer, pensons-nous, l'étude
de l'évolution
générale
du style de Buli.
Dicté
par la volonté
d'accentuer l'omniprésence
du prince sur ses états
et de donner à
la magie de son apparence, identifiée
au paradigme imaginaire de l'ancêtre
fondateur, toute sa prégnance,
l'art contribuait ainsi de plus en plus étroitement
à
imposer un modèle
esthétique
qui devait servir une sémiologie
plus générale
répondant
à l'idéologie
nationaliste de la cour, marquée
par la volonté
de réaffirmer
sans cesse sa légitimité
et son identité
et
d'imprimer son sceau sur l'ordre culturel tout
entier.
Il
resterait donc à
montrer, dans une étude
morphologique et stylistique approfondie, comment la mystique de
l'apparence royale, celle de la beauté
de la mère
mythique de la dynastie s'est traduite, à
travers la généalogie
de deux ou plus vraisemblablement trois sculpteurs, dans des effigies de
plus en plus réalistes.
Comment un art, commandé
à
l'origine par les canons de la statuaire kunda et luba, dont
l'idéal
esthétique
résidait
dans la quête
permanente de l'essence, s'est rapproché
du sensible pour se soumettre à
des impératifs
politiques et magiques, sans sombrer toutefois dans l'accessoire,
même
lorsqu'il tend vers un certain formalisme, et comment il a su traduire,
dans son austère
sérénité,
l'une des questions les plus fondamentales de l'homme universel : celle
qui regarde l'invisible et la mort. NOTES
Cet article, écrit en 1990, ne tient évidemment
pas compte des objets attribués à Buli et découverts ultérieurement.
Relevons que de nombreuses données historiques recueillies sur le terrain
se trouvent confirmées par les archives AIMO, relatives à Buli, conservées
aux Ministère des Affaires Etrangères de Belgique – consultées
depuis. 1.
Anvers, 24 déc.
1937 au 16 janv. 1938. 2.
Tentoonstelling van Kongo-Kunst... Catalogus. Antwerpsche
Propagandendaweken, nos 716 et 717 (voir pl. 14 & 15). L'un
de ces sièges
— ancienne
coll. Bertrand —
est aujourd'hui à Tervuren.
(Bonne reproduction dans E. LEUZINGER, Kunst der
Naturvôlker,
Frankfort/a/Main,
1978, band III, pl. 123). 3.
Pour une bonne reproduction de cette œuvre
célèbre
: (A. MAESEN), Umbangu. Art du Congo au Musée
Royal de l'Afrique Centrale, 2e éd.,
(Bxl,
1969), pl. 35. 4.
L'Univers des formes. Afrique Noire, Paris,
1967, p. 336. 5.
Sumorn imposé
principalement par J. MAES qui avait cru pouvoir identifier cette
sculpture à
l'Esprit
Kabila, présidant
à
certains rituels privés
de mendicité,
décrits
par le P. COLLE (J. MAES, Figurines mendiantes des Baluba, dans
Pro Medico, 1935, 3 et Figurines mendiantes dites
«
Kabila
»
des Baluba, dans
Brousse, 1939, 2). Pour COLLE : Les Baluba (Congo Belge),
Bruxelles, 1913, t. Il, p. 441. 6.
Miroir du Congo belge, Bruxelles-Paris,
1929, t. II, p. 218, 235 et 236. 7.
Les sculptures de l'Afrique Noire, Paris,
1956, p. 110. 8.
Dans Plastiek van Kongo, 1946 (traduit en français
par A. MAESEN, Bruxelles, 1959) et Découverte
de deux statuettes d'un grand sous-style Ba-Luba, dans
Institut Royal Colonial Belge. Bull, des séances,
XXII,
1, 1951, p. 130-140. 9.
Une sculpture de Buli
inédite,
dans
Bull. de la
Société
Royale Belge d'Anthropologie et de Préhistoire,
LXXI,
1960, p. 1-16. 10.
Nous ignorons si cette œuvre,
retrouvée
voici quelques années
et exposée
au Metropolitan Muséum
de New York, a été
éditée.
Un moulage s'en trouve au Musée
de Tervuren. Sur Fr. MIOT, voir E. JANSSENS et A. CATEAUX, Les Belges
au Congo, Anvers, 1911, II, p. 87-90 (avec la liste de ses
publications) et Biographie coloniale belge, Bruxelles, V, 1958,
col. 599-61. 11.
Nous avons identifié
cette sculpture, toujours inédite,
en 1976. 12.
Nous remercions nos collègues
de l'Institut de Zoologie de l'ULg. de nous avoir aidé
à identifier
ces éléments. 13.
Kabwelulu est parfois décrit
comme le génie
des «
sorciers
»
du Buhabo. Mais buhabo est un terme générique
qui désigne
plusieurs sociétés
initiatiques. 14.
Voir Du neuf sur le Maître
de Buli,
dans
Topafrica. Mensuel panafricain, 1975, 2, p. 41, 42, 48. Cette
œuvre
se trouve à
présent,
dans la collection du comte B. de GRUNNE. 15.
La grande statuaire Hemba du Zaïre,
Louvain-la-Neuve,
1977, p. 320 et 321. Le P. Neyt y consigne une tradition selon laquelle le
nom du sculpteur était
« Ngongo
ya Chintu ».
L'une des traductions possibles de ce « nom
» est
«
le fabricant de la chose ».
Il pourrait donc s'agir d'un sobriquet, voilant mal un anonymat
réel. 16.
Note sur un type de kifwebe luba-hemba, dans Revue Universitaire
du Burundi, I, 3/4, 1973, p. 255-261 à
compléter
par L'art hemba, dans Topafrica. Mensuel panafricain, 1975,
5, p.
46-48. 17.
Père
de Kalala llunga, fondateur du second empire luba. La légende
rapporte que lorsqu'il se mettait en colère,
tout, autour de lui, prenait la couleur rouge. Il existe des
sièges
de Buli où
le
plateau est soutenu par un couple. Dans ce cas, le personnage masculin est
identifié
à Mbdyi
Kiluwe ou Kalala llunga. Parfois, il est simplement appelé
Mkulu wa Kalakala, soit « l'ancien
des tout premiers temps ». 18.
Le siège
à
cariatide agenouillée
du British
Museum
était
autrefois revêtu
des mêmes parures
(voir OLBRECHTS, op. cit., 1946). Il en a
été
depuis dépouillé
(voir LEIRIS,
op. cit.
p.
110). 19.
La coiffe du siège
publié
ici, constituée
par quatre vastes lobes, n'est pas ornée,
à
l'arrière,
de la tresse cruciforme que l'on observe sur un certain nombre
d'œuvres
de Buli. Elle s'apparente davantage au type de coiffures
observé
par Foà,
au sud-est de Buli, qu'il compare à
une «
marmite
dont le fond serait appliqué
sur la nuque et dont le bord s'en irait en arrière
: de derrière,
on voit un trou noir qui correspond à
l'intérieur
du récipient
».
(Voir Traversée
de l'Afrique..., Paris,
1900, p. 163 et photo, p. 248 et Résultats
scientifiques des
voyages en Afrique d'Ed. Foà,
Paris,
1908, p. 264 et 265). Autre point de divergence : les tatouages corporels
qui pour ce siège
sont d'inspiration nettement luba. 20.
Op. cit., p.
15 et 16. 21.
Voir successivement : The Tribal Image, London, 1970,
n°
41, et Sculptures africaines, Paris, 1965,
p. 103. 22.
Op. cit., t.
II, p. 795. 23.
Par exemple, le fait que la coiffe se trouve souvent
déjetée
vers la gauche (du personnage sculpté).
Mais nos informateurs nous ont fait remarquer
qu'il s'agissait plus vraisemblablement
d'une mode relevant d'une forme
de coquetterie. 24.
Nous tenons à
exprimer ici notre gratitude à Mme
Guébels,
aujourd'hui disparue, qui nous a ouvert
le très
riche fonds de ses archives. Signalons
que L. GUEBELS possédait
un exemplaire
du n°
de Brousse, contenant l'article de
J. MAES, décrit
en note 5. Sur L. GUEBELS,
voir notamment Biographie belge d'Outre-Mer,
Bruxelles,
VIIb, 1977, p. 165 et 166. 25.
Sur H. BURE, voir Biographie coloniale belge, Bruxelles,
IV, 1955, p. 79-81. 26.
Sur
Ch. FIRKET, voir Biographie coloniale belge, Bruxelles,
I, 1948, p. 375-377. Le catalogue de ses
collections est conservé
à
l'Université
de Liège
sous la cote Mss 2823b. 27.
Nous
songeons notamment à
une collection de bâtons
de messager songye. Il faut relever du reste,
que les centres où
l'on fabriquait des « objets
pour les Blancs »
étaient
à
l'époque, déjà
nombreux. 28.
Note sur la population de 29.
Op. cit., p.
321. 30.
A rapprocher d'une légende
que les Babembe de l'Itombwe, où
le gorille est toujours présent,
nous ont rapportée
: là,
pour éviter
la servitude arabe, le grand singe aurait cessé
de parler. 31.
Fr.-M. OLBRECHTS notamment, estimant que le visage des figures de Buli
n'était
« nullement
négroïde
»,
soutient que l'artiste s'était
« sans
aucun doute »
inspiré
« d'un
modèle
ayant du sang hamite dans les veines »
(Op. cit., 1951, p. 132). La thèse
« hamitique
»,
a peu près
abandonnée
aujourd'hui, était
régulièrement
alléguée
par l'ethnographie du passé,
pour «
expliquer
»
ce qui lui semblait échapper
à l'univers
bantou dont elle avait élaboré
des images souvent contestables. Sur les « inquiétudes
»
que suscitaient déjà
les thèses
auxquelles se réfère
OLBRECHTS (celles d'un certain VON EICKSTEDT, auteur d'une
Rassenkunde... der Menschheit (1934)), voir H. BAUMANN et D.
WESTERMANN, Peuples et Civilisations de l'Afrique, Paris, nvle
éd.
1948, p. 23. 32.
Sur ce personnage, voir A. DELCOMMUNE, Vingt années
de vie africaine, Bruxelles,
1922, t. 2, p. 538 et sv. et ED. VERDICK, Les premiers jours du
Katanga, Elisabethville, 1952, p. 36 et ss. 33. Op. cit.,
p. 94. 34. Op. cit.,
t. II, p. 531. 35.
Voir The Fall of the Congo Arabs, London, 1897, p. 259 à
261 : «
Their
carving in wood and ivory is really beautiful, and I
was
fortunate in being abler in get to England some fine specimens
in the
shape
of paddels, walking-sticks, and axes handles, wich are now in
the
British Museum
».
HINDE
a laissé
plusieurs versions de son expédition
qui diffèrent
sur le point géographique
exact de sa découverte.
Dans l'une de ces versions (Mouvement Géographique,
25
mai 1895, p. 150), il déclare
avoir récolté
ces objets à
Katulu, village dépendant
en effet de Buli. Mais par ailleurs, le British Museum
ne possède
qu'une seule sculpture relevant du « style
Buli »
: le siège
à cariatide
auquel il est fait allusion n. 18. Celui-ci est entré
au Musée
en 1905. 36.
R.J. CORNET, Maniema. Le pays des mangeurs d'hommes, Bruxelles,
1952, p. 218 et 219. Nous ne partageons pas l'avis de Cornet (voir n. 35).
Selon nous, l’ « inventeur
»
de l'art de Buli demeure Fr. MIOT. 37.
Outre HINDE, voir aussi R. MOHUN, Sur le Congo, dans le
Mouvement Géographique,
30
sept. 1894, p. 84-87. 38.
Voir Historique de 39.
Voir OLBRECHTS, op. cit., 1951. Foà
ne dit rien de ces deux statuettes. Elles se trouvent actuellement
à
Tervuren. 40. Op. cit.,
1900, p. 164 et ss. 41.
Nombreux témoignages
chez les voyageurs et surtout les missionnaires. Voir en particulier le
Bulletin des Missions d'Afrique des Pères
Blancs et
Le Messager du Saint-Esprit de ces années. 42.
G. VAN DER KERKEN, Note générale
sur le recrutement dans le Tanganika-Moëro.
(c.
1916. Mss de 16 p. inédit.
Archives de l'auteur). 43.
Buli fut capitale du secteur du Tanganyika-Moëro
jusqu'en 1912, date où
elle fut détrônée
au profit de Kongolo. Son nom commença
dès
lors à
disparaître
des cartes. 44.
Outre les études
bien connues de COLLE, BURTON, etc. voir aussi A. VAN DER NOOT, La
secte des Bambudi, dans Bulletin des Juridictions
Indigènes,
sept.
1935, p. 113 et ss. 45.
Etude sur les mœurs
et les coutumes des Baluba des régions
de Kabongo, 1916,
p. 25 et sv. (Mss. inédit.
Archives de l'auteur). 46. Op. cit.,
t. II, p. 542-567. 47.
Op. cit., t. II, p.
847. 48.
Sur ce point, voir surtout le P. TH. THEUWS, Textes Luba, dans
Bulletin trimestriel du CEPSI, 27, 1954, p. 10, 49 et
ss. 49.
Dictionnaire Kiluba-Français,
Tervuren,
1954, p. 76 et 77. 50.
Liste des objets cédés
par Bure au Baron de Hauleville, cit. d'après
W. MESTACH, op cit. p. 7.
L’usage désigné par Kanunu pour le mboko est confirmé par Van Avermaete,
op.cit. s.v. 51.
La demeure d'un « grand
chef »
luba comportait cinq cases principales dont celle dite kobo,
était
réservée
à
ses mikisi (esprits et effigies des ancêtres).
Une fois construit, le kobo reçoit
en hommage une coupe de terre blanche (mboko) et de perles.
Après
un certain temps, on y dépose
aussi «
un
récipient
du ‘malafou’ (de sorgho) que le chef reçoit
de ses sujets ; il y passera la nuit entière
et ne sera bu que le lendemain matin. Ceci sera surtout fait avant la mise
à
exécution
d'un projet, le malafou ayant reposé
une nuit entière
auprès
des ‘Mikisi’ aura une influence heureuse sur la réalisation
de ce dernier »
(Etudes sur les mœurs...
des Luba, cit. p.
15). 52. W.G. RANDLES, L'ancien royaume du Congo, Paris,
1968, p. 29 et ss. 53.
Sur le rôle
des figures royales Ndop, voir BELEPE BOPE MABINTCH, Les
œuvres
d'art plastiques, témoins
des civilisations africaines traditionnelles, dans
La civilisation ancienne des peuples des Grands Lacs,
Paris-Bujumbura, 1981, p. 452-463. 54.
La cariatide agenouillée
de certains des sièges
de Buli ne représenterait
pas Kamania, selon nos informateurs. Au contraire, elle serait l'image de
la femme demandant à
Dieu d'être
féconde,
dans l'attitude rituelle de l'oraison. Ces sièges
n'étaient
donc pas destinés
au chefs sacrés
balohwe, mais à
de simples vassaux. 55.
Msuku désigne
également,
par métonymie,
la «
généalogie
»,
l'«
ascendance
».
56.
Sur la mystique de l'ascendance maternelle, voir notamment le P. BURTON,
L'organisation sociale des Baluba, dans Revue des juridictions
indigènes,
janv.-fév.
1936, p. 150-153. Un mulohwe ne pouvait régner
sans sa mère.
Lorsque celle-ci mourrait, une autre femme, dite nginabanza,
assumait juridiquement et anthropologiquement son rôle.
Il pouvait également
se faire qu'un mulohwe se réincarne
dans une femme, dite mwadi.
Dans ce cas, le chef vivant risquait de se voir mis à
l'écart
par celle-ci. L'on conçoit
que lors d'une rupture de succession, au sein d'un même
lignage matrilinéaire,
la transmission du siège
sacré,
chargé
de la magie d'une mère
sans descendant, puisse poser de réels
problèmes.
Il arrivait donc que l'on en remplace le plateau supérieur
(« ventre
»),
selon une technique assez simple que nous décrivons
dans une étude
plus générale
sur les «
Techniques
de la sculpture chez les populations de l'est du Zaïre
»
(à paraître). |
Copyright text © 2006 Pol Pierre Gossiaux |
Préalablement
publié dans Art et exotisme, Revue des historiens de l'art, des
archéologues, des musicologues |
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